Dan San (BE)
Prendre le temps de faire les choses correctement et revenir au bon moment. Sept ans après la sortie de « Shelter », Dan San signe un retour éblouissant avec « Grand Salon ». Attendu de longue date, ce troisième album suspend le rythme insensé de nos vies pressées par l’entremise d’une collection de morceaux limpides, aussi évidents qu’intemporels.
Pour ourler ce nouveau recueil de pop sophistiquée, les six membres du collectif belge ont pris soin de leur bien commun, replaçant le dessein de Dan San au centre de leurs vies après des années riches en collaborations (production, tournée, musique à l’image,…) notamment avec The Feather, Condore, Pale Grey, Kowari, Sharko.
Porté par des démos imaginées par Thomas Medard et Jerôme Magnée, le nouvel album de Dan San s’est dessiné en équipe, dans un va-et-vient d’idées et d’allants. Plus qu’un titre tracé à la hâte, « Grand Salon » se nourrit de l’aura imaginaire des brillantes adresses d’échange artistique d’antan. Lieux riches d’innovation, de recherche et d’avant-garde multidisciplinaire. Pour le finaliser, la formation s’est retirée aux portes de Paris, dans l’antre de La Frette. Cet ancien manoir, reconverti en studio d’enregistrement, tient une place à part dans l’histoire de la pop moderne. Feist, Patrick Watson, Timber Timbre, Idles, Parcels et autres Arctic Monkeys y ont en effet gravé leurs meilleures chansons. Au printemps 2021, installé au cœur de ce haut lieu de la musique, le groupe belge assemble, lui aussi, ses envies sous le plafond protecteur du grand salon. L’élégance de cette pièce, ses moulures et leurs courbes extrêmement raffinées, transparaissent dans chaque note et offrent un cadre millésimé aux sessions enregistrées aux côtés du producteur Yann Arnaud (Sparks/BO Annette, Phoenix, Air ou Syd Matters). Sûr de son expérience, fort de ses sensibilités, ce dernier prône l’épure et guide Dan San vers de nouveaux sommets.
Sous son intitulé francophile, « Grand Salon » ne cache ni ses ambitions ni ses préférences pour des sons typiquement anglo-saxons. À l’écart de la hype et des écoutes téléguidées par les algorithmes, les musiciens se sont réfugiés aux plus près de leurs disques de chevet. Bob Dylan, Simon & Garfunkel, Neil Young ou Nick Drake sont autant de références nécessaires pour comprendre l’ADN de ce nouvel album. Une passion renouvelée pour les Beatles au contact du documentaire réalisé par Peter Jackson, ainsi que la lecture d’une biographie de Geoff Emerick, ont également nourri l’imaginaire des musiciens.
Sur ce nouvel album, Dan San carbure aux ondes positives (Hard Days Are Gone, The Unknown), s’essayant même – pour la première fois – à quelques chansons d’amour (Midnight Call, No One In The House). Mais tout n’est pas rose ni fleur bleue pour autant. Abordée de front, la question de la dépression se pose ainsi au détour du morceau 1994. Ailleurs, le désespoir face à une situation sans issue (Father, Mother), l’urgence de vivre pleinement l’instant (When The Ghost is Alive) ou l’étrangeté d’un réveil post- opératoire (Awake) nourrissent ce disque essentiel d’innombrables pistes de réflexion. Si les thème explorés dans « Grand Salon » s’ancrent indiscutablement en 2023, la musique proposée par Dan San s’écarte volontiers de la ligne du temps pour donner vie à des mélodies intemporelles. Inespérées.